Gilbert Garcin
"En soixante-dix ans, on a amassé dix mille souvenirs, on a une sorte de grenier dans la tête. Des choses empilées qui finissent par resurgir " explique le photographe Gilbert Garcin qui semble bien décidé à profiter de sa retraite pour faire le ménage dans son propre grenier. Visage de père tranquille, crâne respectablement dégarni, cravate discrète sur une chemise rayée, gabardine anthracite, pantalon foncé et soulier noir, cet ancien patron d'une fabrique de luminaires a l'allure du parfait septuagénaire au dessus de tout soupçon
Débris rescapés du Meccano de son fils, bouts de ficelles et petits cailloux, armé de colle de ciseaux et de son appareil photo, il bricole de minuscules maquettes, pour lesquelles il bidouille des éclairages "pour faire vrai" et photographie ainsi, jour après jour, les différents actes de son petit théâtre intérieur. Jouant avec ses autoportraits, et clonant sans complexe sa silhouette de "Monsieur Tout-le-Monde" il se met ensuite en scène dans des situations les plus surréalistes; Le voici donc tout a tour Sisyphe poussant son énorme pierre, ou pauvre hère derrière une pendule à Courir après le temps, L'égoïste jouant à saute-mouton avec lui même à perte de vue, ou Le Paon faisant la roue avec sa propre effigie.
"Nous sommes tous plus ou moins en représentation, n'est-ce-pas" commente, d'un ton malicieux le délicieux bonhomme qui manipule allègrement avec un zeste de naïveté, un goût appuyé pour le surréalisme et un sens hitchockien de sa propre mise en scène. "Je prends des notes, j'accumule, puis je laisse un peu reposer, puis je décide quel tableau je réalise", commente-t-il en sortant de ses poches, bourrées de petits papiers, les croquis de ses futures compositions. "Il ne faut pas qu'il y ait un trop grand écart entre ce que j'imagine et l'image définitive. Mais, maintenant que j'ai plus d'expérience, je me trompe moins !"
Le virus du bricolage, associé à l'art de la photographie, ce Marseillais de souche l'a attrapé au cours d'un stage à Arles dans les années 80, avec le photographe Pascal Dolemieux, maître illusionniste lui-même, qui l'initia aux charmes secrets des paysages microscopiques avec deux clous, trois allumettes et quelques morceaux de sucre.
Depuis, ce vague cousin de Tati, ce fils spirituel de Magritte, fabrique avec humour et une pointe d'intranquillité des tableaux parodiques, n'hésitant pas à se moquer de lui-même et de nous tous, par la même occasion. Ne pas tourner en rond, Connaître ses limites Etre maître de soi. Faisant des maximes ses choux gras, de fil en aiguille Gilbert Garcin élabore non seulement une sorte d'autobiographie fictive, mais aussi toute une philosophie de la comédie humaine. Sans oublier sa dernière lubie : il propose aux autres photographes de mettre en scène sa propre effigie dans les coins les plus reculés de la planète. Une façon d'être partout à la fois, y compris dans l'œuvre des autres.Armelle Canitrot
morceaux choisis :
L’interdiction
Les bienfaits de l'ignorance
L'union
L'ambition raisonnable
Mission impossible
Le bon diagnostic
La certitude
Communiquer
Les conséquences
Le moulin de l’oubli
Pour en voir plus : http://www.gilbert-garcin.com